APPEL À PARTICIPATION

Appel à contributions L’Autre musique : arts plastiques, musiques expérimentales et sciences sociales.

LAM #3 : « ENGAGEMENT, RÉSISTANCE, USAGE SOCIAL »

La revue L’Autre musique est une revue semestrielle, à caractère scientifique et artistique. Transdisciplinaire, elle questionne les arts plastiques dans leur relation avec le sonore et le musical par des approches artistiques, poïétiques, anthropologiques, sociologiques et esthétiques. Elle est dotée d’un comité de lecture et d’un comité scientifique. La perspective adoptée est résolument polyartistique et veut mettre les œuvres et la pratique au centre de la recherche. Issue de la rencontre de plasticiens, de musiciens et de chercheurs réunis dans l’Unité Mixte de Recherche « Arts, créations, technologies, esthétiques » (UMR 8218) dépendant du CNRS et de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, la revue L’Autre musique est l’une des parties d’un projet plus ambitieux comprenant un laboratoire d’échanges en ligne, ouvert à toutes les participations, et des rencontres mêlant approches scientifiques et artistiques, s’articulant autour de chacun des numéros.

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Olga Kisseleva (artiste, maître de conférence à l'université Paris 1).
Jean-Yves Bosseur (compositeur, CNRS).
Costin Miereanu (compositeur, professeur à l’université Paris I).
Christophe Bourseiller (Institut d'études politiques de Paris).
Thierry Codüys (Artiste, enseignant à l'ENS Louis Lumière).

COMITÉ DE LECTURE

Gérard Pelé, Célio Paillard, Mathevet Frédéric (artistes-chercheurs, institut ACTE, UMR 8218, Université Paris I - CNRS)

PROBLÉMATIQUE

« En attendant, cette façon généreuse, mais utopique, de parler d’un roman, d’un tableau ou d’une statue comme s’ils pouvaient avoir le même poids dans l’action quotidienne qu’une grève, une mutinerie, ou le cri d’une victime dénonçant ses bourreaux, dessert à la fois, enfin de compte, l’Art et la Révolution. »
Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, Paris, Éditions de minuit, 1961, p. 36.

Avec l'axe de recherche « Engagements, résistances, usage social » les artistes-chercheurs de L’Autre musique souhaitent, à la façon généreuse et utopique décrite par Alain Robbe-Grillet, questionner les relations de l’art et de la politique. Parce qu’ils croient que la question, loin de desservir « l’art et la révolution », peut aujourd’hui encore être riche de propositions et de pensées.

Au commencement d’un nouveau mandat présidentiel, les artistes-chercheurs de L’Autre musique veulent poser les questions, sans détour, du travail artistique et de son engagement dans la vie sociale, de l’œuvre et de sa portée politique et micro-politique, et de l’usage social de l’art. Indépendamment des convictions politiques de chacun des chercheurs, ils mèneront, dans une démarche exploratoire et expérimentale, une recherche artistique en milieu « capitalistique » (cf. F. Guattari) – c’est-à-dire dans un milieu social et politique qu’ils chercheront à aborder sans s'y noyer.

En effet, l’artiste aujourd’hui n’est plus le seul producteur d’images et de sons. La circulation, la transmission, la réception des images et des sons s’inscrit à l’intérieur du système libéral occidental généralisé. D’une part, les images et les sons, ceux de la publicité, du journalisme et de la télévision sont dépendants d’un « lobbying » économique, d’autre part, la production artistique, pour une grande partie (la plus visible), inscrit sa pratique dans la logique du marché capitaliste globalisé.

Pourtant toute œuvre, ou toute volonté de faire œuvre, participe d’un dispositif social et d’un usage social. Son corrélat ? Toute œuvre ou volonté de faire œuvre, parce qu’elle s’inscrit dans un champ social et économique, est politique. Il faut donc poser la question, avec la rigueur du scientifique et le cœur objectif de l’artiste, de l’œuvre ou de la volonté de faire œuvre dans le champ social, politique et micro-politique.

POSITIONNEMENT

Les artistes-chercheurs de L’Autre musique émettent l’hypothèse que l’artiste, son travail et son œuvre ne sont que des chaînons parmi d’autres, de la construction d’un horizon ]cosmos-histoire-socius-intime[Nous utilisons les crochets ouverts vers l'extérieur pour insister sur la porosité et l'ouverture de ce que décrit le concept, et du concept lui-même. que se construit une société donnée. Or la « plasticité» à laquelle l’artiste est soumis dans l’acte artistique fait de l’« acteur-social-artiste » une entité particulièrement indocile. C’est-à-dire, dans sa tradition étymologique grecque, quelqu’un qui refuse d’apprendre les signes. Dans tous les cas, loin d’être le sémionaute d’une odyssée romantique entre les signes que propose le monde, l’artiste remet sans cesse sur le chantier l’arbitraire des signes et les formes de pouvoirs qui s’y inscrivent. L’artiste et le travail artistique seraient les garants d’une panique sémiotique nécessaire pour discuter toute forme d’assujettissement et d’asservissement à la sémiocratie en vigueur.

La société capitaliste, ou capitalistique pour le dire avec F. Guattari, n’échappe pas à l’inscription du pouvoir dans le sensible. M. Foucault l’a décrite à sa façon avec les concepts d’« idéologie » et de « biopolitique ». P. Bourdieu en a aussi exhumé des traces avec l’« habitus », et R. Barthes dans ses Mythologies en a proposé un fonctionnement, et un symptôme : la « doxa ». Sans oublier Michel de Certeau dans son « art de faire », tous ont montré que le pouvoir prenait place dans des formes « perceptives » d’une part, et dans des procédures dont l’agencement d’énonciation est dé-sujetisé d’autre part. L’artiste, parce que son métier consiste aussi à construire des agencements sensibles et des procédures, a son mot à dire et une position à défendre parmi toutes les autres formes de constructions de sens(ible)Nous utilisons une graphie particulière, « sens(ible) », pour parler de quelque chose qui n'est ni seulement perceptible, ni seulement conceptuel, mais bien les deux, imbriqués. Une façon de rompre définitivement avec les concepts de fond et de forme..

Le pouvoir s’immisce aussi bien par le code que dans la procédure. Le pouvoir, c’est l’hypothèse que nous allons avancer, est aussi sémiotique. Il est même « plastique », dans la mesure où il use aussi de déplacements, de condensations, de court-circuits… (Mais la liste des figures de la plasticité n’est pas exhaustive.) Le pouvoir, par le code et les processus de codage, détermine la « bonne figure », celle à tenir et par là même celle qui tient « ensemble », et le « mauvais signe », celui qu’elle rejette dans son entreprise de vivre ensemble, celui qui pourrait mettre en branle le dispositif d’assujettissement et d’asservissement sémiotique. La sémiocratie passe par une orthosémie, un agencement correct à tenir, que nous pouvons approcher par des indices et, pour les agencements plus complexes, par des symptômes. Ceux-ci sont cristallisés dans des procédures, c’est-à-dire des opérations bien plus complexes qui empruntent à la plasticité sa « labilité ». Toute grammaticalité engage un certain type de société, toute règle d’agencement sémiotique et sémiologique programme une certaine forme d’ordre social. L’usage social des signes fonctionne comme un asservissement sémiotique et un assujettissement sémiologique à une certaine société. Chaque société maintient son [cosmos/histoire/socius/intime] par une [grammaticalité] qui lui est propre et une suite de procédures. C’est l’assujettissement qui consiste à faire « bonne figure » en toutes circonstances, c’est-à-dire à rester dans le bon sens. Quant à l’asservissement, il se fait par des processus de maintien et de contrôle de l’]émotif/perceptif[.

Nous pouvons repérer, dans le sensible et les procès de signifiance qui s’y inscrivent, les opérations « plastiques » dont le pouvoir capitaliste est friand, pour maintenir son pouvoir dans l’usage des signes. Le travail de l’artiste, l’œuvre et le spectateur doivent cohabiter, et faire leur place dans le sensible et les procès de la signifiance qui s’y inscrivent, qui sont propres au maintien du pouvoir par l’usage des signes.

PROPOSITIONS PROBLÉMATISÉES D'AXES DE RECHERCHE

Dans quelle mesure peut-on parler d'une « sémiocratie », c’est-à-dire d'agencements sémiotiques et sémiologiques qui seraient propres aux formes capitalistes et libérales de société ?

En d'autres termes, existe-t-il une LQR (« LQR comme Lingua Quintae Respublicae, cette langue qui chaque jour efface les résistances, les différences, les opinions et travaille à la domestication des espritsÉric Hazan, LQR la propagande du quotidien, Paris, Éditions Raisons d’agir, 2006. »), qui travaillerait en profondeur les images et les sons que le capitalisme généralisé produit ? Quelle alternative pour le travail artistique, d'un point de vue  poïétique et de production effective des œuvres ?

Quelles positions artistiques face à des images et des sons qui produisent de l’« invu » (Marie José Mondzain) ?

Invu : « C’est pourquoi, plutôt que d’invisible, mieux vaut parler “d’invu”, de ce qui est en attente de sens dans le débat de la communautéMarie José Mondzain, L’image peut-elle tuer ?, Paris, Bayard, 2002, p. 37.. »

L'art est-il une alternative à la domestication sensible du public ? Comment ?

En effet, si le sens d’une publicité repose toujours sur l’utilisation de clichés, de textes simplistes, qui contribuent, par la dépolitisation qui en découle, à en faire un lobby néolibéral, elle atteint aujourd’hui un nouveau niveau de soumission, qui n’est plus seulement celui de la signification : une capture et une tyrannie sensibles. « Eyes-tracking » et marketing sonore conjugués au « géomarketing » guident et conditionnent chacun de nos sens. Image, son et espace urbain construisent pour nous un parcours raisonné et optimisé sensible : un enchaînement esthétique prêt-à-porter.

RECOMMANDATIONS AUX AUTEURS

Proposition d’œuvre, d’article et de texte (résumé d’une vingtaine de lignes) à envoyer avant le 01 mai 2013. Réponse des comités le 15 mai 2013. Article à fournir le 01 septembre 2013. Délai de rigueur.

ŒUVRES

L’Autre musique est susceptible de publier et de diffuser toute œuvre et compte rendu d’œuvre proposés. Les œuvres sont soumises au comité de lecture. Elles doivent prendre en compte le format numérique de la revue : format vidéo qui puisse être hébergé, reproduction photographique de qualité, mp3, image, etc.

ARTICLES SCIENTIFIQUES

De 10 000 à 40 000 signes, avec notes de bas de page et bibliographie. Il est précisé que le texte doit être écrit de manière claire et accessible à tous.

DOCUMENTS

La rédaction de L’Autre musique accepte des articles ou documents qui ne prendraient pas la forme traditionnelle de l’article scientifique, tels que les entretiens, les critiques, les notes de lecture, les notes d’atelier… Tout ce qui est susceptible d’enrichir un numéro peut être proposé et sera soumis au comité de lecture.
Format libre, ne devant pas excéder 50 000 signes, de préférence entre 5  000 et 10 000.

AFFABULE ET FIBULE

Vous avez une approche distanciée de la problématique proposée ? La rédaction de L'Autre musique sera attentive aussi à des propositions qui mêlent humour et réflexion, fiction ou travail de création et qui seraient volontiers décomplexées ou décalées vis-à-vis de sujet du numéro. Elles trouveront certainement une place dans la section fibule ou affabule de notre revue.

PRÉCISIONS

L’Autre musique demande aux auteurs et aux artistes de joindre à leur proposition une courte biographie, ainsi que leur position vis-à-vis de la licence créative commons de la revue.

Il faudra préciser les procédés, comment ça se passe pratiquement…